Retranscription conférence du 6/03/2023 en amphi central

06/03/2023

Synthèse du débat organisé par Jean Souviron et Antoine Perron le lundi 06 mars 2023 en amphi central


Jean Souviron est professeur à l'Ensa-Paris-Belleville depuis septembre 2022, docteur en art de bâtir et urbanisme de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), architecte diplômé d'État de l'École d'architecture de la ville & des territoires Paris-Est (EAV&t) et ingénieur des Ponts et Chaussées (ENPC). Antoine Perron est doctorant à l'Ensa-Paris-Belleville, lauréat avec son projet de thèse intitulé La machine contre le métier. Les architectes et la critique de l'industrialisation du bâtiment (France, 1940-1980).

Cette séance proposait des éléments de réflexion sur l'avenir des écoles nationales d'architecture. Une attention particulière était portée à la façon d'injecter une dimension politique et écologique sérieuse dans l'enseignement. Cela permettait d'atteindre un autre niveau de questionnement : celui du rôle d'architecte que pourront prendre les étudiant.e.s d'aujourd'hui sans modification profonde de leur formation.

Monsieur Souvrion a évoqué un corpus d'ouvrages ayant alimenté les réflexions à ces sujets. Le premier était Où atterrir de Bruno Latour. Dans cet essai, le philosophe établit un lien entre plusieurs phénomènes : la dérégulation, la globalisation, l'explosion vertigineuse des inégalités et enfin la négation du changement climatique. Monsieur Souviron a ensuite rappelé que 39% des émissions mondiales de CO2 étaient générées par le secteur de la construction, dont 11% par la sous-catégorie du secteur résidentiel.

Il existe un vaste panel de solutions pour les réduire. Jean Souviron a cité l'isolation par l'extérieur, le recours à l'architecture vernaculaire, ou encore la réhabilitation. Cette dernière a fait l'objet de la première partie du débat avec les étudiants. Il a été rappelé que, selon l'OCDE, 70% à 80% du parc bâti de 2050 existait déjà.

L'évocation de lectures s'est poursuivie avec Le soin des choses : politique de la maintenance de Jérôme Denis et David Pointille, invitant à porter un regard tendre sur les biens matériels déjà produits, puis avec Abondance et liberté, de Pierre Charbonnier, mettant en lumière le versant sociologique et normatif de nos modes de consommation actuels. Le corpus suggéré par Jean Souvrion comprenait Unless ; The Seagram Building Construction Ecology, de Kiel Moe, retraçant le lien entre les bâtiments et les ressources naturelles qui les constituent. L'ouvrage Nos Trópicos Sem Le Corbusier: Arquitectura Luso-africana no Estado Novo, d'Ana Vaz Milheiro clôturait l'introduction au débat en évoquant le regard postcolonial et eurocentré des théories architecturales enseignées. Monsieur Souviron a signalé l'importance du temps consacré à la lecture par les enseignants et étudiants de master.

Cette séance de discussion entre élèves et enseignants a permis de soulever des éléments de réflexion sur l'avenir de la pédagogie au sein des écoles d'architecture. Le premier sujet abordé était celui de la réforme des licences en cours. Plusieurs personnes n'étaient pas au courant de son existence et certain.e.s se sont demandé la place que prendraient les élèves dans sa formulation. Une élève a soulevé la question de la réhabilitation : sera-t-elle davantage prise en compte dans la nouvelle organisation des enseignements de licence ? A partir de cette question, le débat s'est généralisé vers le thème de l'enseignement dispensé à l'ENSA Paris-Belleville. Différentes problématiques ont été évoquées.

D'abord, beaucoup d'élèves ont tenu à se prononcer sur une redondance entre les différents enseignements de cours magistraux, que ce soit au niveau des sujets abordés ou des corpus de références mobilisés. « On a l'impression de ne voir que les modernes à chaque semestre, surtout Le Corbusier qui semble être le seul architecte intéressant chez nos professeurs ». Certaines figures de ce mouvement demeurent importantes à connaître, mais peut-être pourrions-nous les aborder sous un angle sérieusement critique ? Une professeur suggère également de rendre certains de ces cours facultatifs, ou de les mettre en commun pour plusieurs promos et ne pas avoir à revenir dessus chaque année.

Les échanges se sont alors tournés vers l'envie que partagent les élèves et les professeurs d'ouvrir l'enseignement actuel à de nouvelles disciplines et de nouveaux sujets. « On voudrait des professeurs qui nous parlent d'économie publique, de données statistiques, de démographie et des mouvements des populations, du taux de vacance de logements...Que l'on soit plus au courant des réels enjeux dont il est question actuellement, notamment si l'on veut s'intéresser à la réhabilitation ». Il a été mentionné l'importance des intervenants, de faire venir plus de professionnels d'autres domaines et de la place qu'ils pourraient prendre au sein des studios ou des cours magistraux. Évidemment, cela revient encore à parler de financements parce que cela représente des coûts importants et qu'il faudrait savoir démontrer leur utilité. D'autre part, les répétitions de thèmes abordés en cours laissent deviner un manque de communication entre les enseignants qui a été pointé pendant le débat. Il a été suggéré de conserver une pluralité de points de vue en cours théoriques, tout en les coordonnant les uns aux autres pour qu'ils puissent d'articuler d'un semestre à l'autre. Une élève de L1 a alors proposé que les cours de Françoise Fromonot arrivent avant ceux de Miguel Macian afin de pouvoir poser un regard critique sur ces derniers. Jean Souviron a ensuite évoqué la création, par l'ensemble des élèves de licence et de master, d'une grille d'enseignements jugés pertinents. Antoine Perron a expliqué qu'à ce jour, il n'existait qu'une commission annuelle durant laquelle tous les enseignants présentaient leur cours, mais que les contradictions concertant leur pertinence n'osaient jamais éclore. A l'ENSA-Marne-la-Vallée, un Grand Tour est mis en place à la fin de chaque semestre : il prend la forme d'un rapport rédigé par deux experts (enseignants externes) sur les enseignements. Les étudiant.e.s sont appelé.e.s à participer à un séminaire préalable à la rédaction du rapport.

Les modes d'évaluation ont été questionnés : l'hégémonie du studio, expliquée par le coefficient qui lui est attribué, encourage à négliger certains cours magistraux, au profit du studio et d'une inquiétante culture de la charrette. Le rapport des professeurs à leurs étudiant.e.s durant les cours magistraux a semblé trop unilatéral pour certain.e.s élèves. Le format des cours de l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) a été cité comme contre modèle : une majorité de séminaires durant lesquels professeurs et étudiants échangent constamment.

Durant le débat, un autre point a été abordé : celui de la place des questions écologiques, et plus particulièrement de la réhabilitation dans l'enseignement. Certains cours théoriques alertent sur l'impossibilité de continuer à bâtir du neuf. Pourtant, très peu de studios choisissent d'imposer des projets de réhabilitation. Ce décalage idéologique entre l'enseignement théorique et pratique s'avère très anxiogène pour les étudiant.e.s, qui ne perçoivent plus de sens à leur projet de studio, aveugle aux enjeux environnementaux. L'approche « ex-situ » martelée essentiellement en L1 et L2 découle de l'inertie de générations de professeurs reproduisant l'enseignement reçu.

Le débat s'est achevé sur le thème de l'engagement écologique pris par l'ENSA Paris-Belleville. Gaëlle Lebreton et David Albrecht ont réalisé un rapport sur ces mesures, et le Bellecho recensera les idées concrètes reçues par les étudiant.e.s. Jean Souviron a rappelé l'intérêt qu'avait la visite des locaux techniques de l'école en L1. Il a ensuite suggéré de s'intéresser aux courants architecturaux high-tech et biomimétique, leurs qualités et leurs défauts.



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